Désirs d'avenir 86000 - Arnaud Fage

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Interview de Ségolène Royal sur RTL.
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Jean-Michel Aphatie : Bonjour Ségolène Royal.

Ségolène Royal : Bonjour ...

Xavier Bertrand a commencé dès 7h30 ce matin des consultations sur la prochaine réforme des retraites. Convenez-vous, Ségolène Royal, de la nécessité d'augmenter progressivement la durée de cotisations à 41 ans ?

Non, pas dans ces conditions. On vient d'ailleurs d'entendre une auditrice. Il faut savoir aujourd'hui qu'une retraite sur deux est inférieure à 700 euros par mois. On sait également qu'il y a un taux de chômage très élevé chez les plus de 55 ans, ça veut dire que si on augmente aveuglément -comme le propose le gouvernement- la durée de cotisations, le niveau des retraites déjà faible va baisser puisque de plus en plus de salariés n'arrivent déjà pas à cotiser pendant 40 ans. Deuxièmement

Et comment résoudre le problème

Deuxièmement, le gouvernement avait promis de résoudre le problème de la pénibilité. Or, aujourd'hui, c'est la 17ème séance de négociations entre patronat et syndicats depuis 2003 et on sait que les salariés qui travaillent dans les métiers pénibles : les ouvriers du Bâtiment, les caissières, les ouvriers exposés dans les industries métallurgiques et minières à des difficultés ou à des risques, par exemple, chimiques ... les maladies professionnelles, etc ... Attendez !

et si on ne cotise pas plus longtemps !

tous ces salariés ont une durée de vie de 10 ans inférieure à d'autres métiers ; et cette question-là n'est toujours pas réglée. Il est impossible - Vous m'entendez ! - il est impossible et injuste d'imaginer l'augmentation de la durée de cotisations si on ne règle pas d'abord cette question du chômage des seniors, cette question de la prise en compte des métiers pénibles et ...

Mais les problèmes financiers ?

...troisièmement, et troisièmement ...

Mais les problèmes financiers font que si on ne cotise pas plus longtemps ...

Attendez ! parce qu'on sort quand même d'une élection présidentielle avec beaucoup de promesses. ... et donc troisièmement, si on ne règle pas l'augmentation du Minimum Vieillesse et des petites retraites que Nicolas Sarkozy avait promis d'augmenter de 25%. Donc, quand le gouvernement aura résolu ces trois problèmes, on verra la question de l'allongement.

Les trois problèmes que vous citez coûteraient très cher alors que le problème, c'est un problème d'équilibre financier : si on ne cotise pas plus longtemps, il faudra cotiser plus ?

Mais s'il y avait moins de chômage aussi, ça ferait rentrer les durées de cotisations. S'il y avait moins de chômage des Seniors, 38% seulement des plus de 55 ans des salariés sont au travail, Monsieur Aphatie.

Le chômage est à un taux historiquement bas aujourd'hui. Donc, comment on explique la difficulté des Régimes financiers de Retraite ?

Mais parce que la France est dans une situation tout à fait particulière qui, à la fois, a le taux de chômage des Jeunes les plus élevés et le taux des salariés de plus de 55 ans les plus élevés parce qu'il n'y a pas de Politique Economique qui réussisse à résoudre aujourd'hui correctement ces problèmes, alors que des promesses ont été faites ; et parce qu'il faut chercher des solutions nouvelles, comme l'a dit Bernard Thibault.

Il n'y a aucun sacrifice financier à faire, d'après vous, pour sauver le Régime de Retraite par répartitions ?

Il y a des remises à plat d'un certain nombre de circuits financiers. Il y a des pistes d'investigation et d'imagination. Regardez, aujourd'hui il y a 65 milliards d'euros d'aide économique aux entreprises, et on sait que certaines entreprises bénéficient de ces aides alors qu'elles n'en ont pas besoin et que ça fait des effets d'aubaine. Remettons ce système à plat et conditionnons les exonérations à de vraies politiques de l'emploi ou à des augmentations salariales.

Donc, vous appelez le Parti Socialiste, en tout cas, à s'opposer à l'augmentation de la durée des cotisations de retraite ?

Dans les conditions actuelles, absolument, et sous réserve de résoudre les trois problèmes que je viens d'évoquer.

Les recettes de l'Etat seront moins importantes que prévu en 2008 ; et le déficit budgétaire sera, lui, plus important qu'annoncé en 'est ce qu'annonce le Premier ministre, aujourd'hui, dans une interview à l'Express. Est-ce que vous saluez cet effort de transparence financière, aujourd'hui, du gouvernement ?

Mais il n'y a aucun effort de transparence financière. Et les Parlementaires socialistes ont demandé justement une expertise, un audit, une mise à plat, une transparence de la totalité des Comptes Publics. Comment prétendre, à la fois, dire comme l'a dit Nicolas Sarkozy que les caisses sont vides, qu'il n'y a donc plus rien à distribuer contrairement d'ailleurs à ce qu'il a dit dans la Campagne, et aujourd'hui croire un Premier ministre qui nous dit que tout va bien et qu'aucune décision ne sera prise. De deux choses, l'une

Est-ce que les caisses sont vides, d'après vous, Ségolène Royal ?

Elles le sont puisque le gouvernement lui-même l'a dit. M. Fillon a même dit que l'Etat était en faillite. Donc, forcément les caisses ne sont pas pleines. Je le vois bien en tant que présidente de Région puisque l'Etat essaie de transférer vers les régions et vers les collectivités locales, une partie de ses Charges. Vous savez, quelle est la dernière nouvelle ?

Si ce constat est partagé, Ségolène Royal ...

Non, vous savez quelle est la dernière nouvelle - parce que parlons concret pour que les Français comprennent ce qui se passe ? Le gouvernement envisage aujourd'hui de transférer aux communes la charge des écoles maternelles. Voilà où nous en sommes venus.

D'où sort la nouvelle ?

Vous savez qu'aujourd'hui, il y a des mouvements de grève parmi les enseignants puisqu'on supprime des postes partout ..

Le transfert des Charges Maternelle vers les communes, vous le sourcez comment ? J'entends ce que vous dites mais ...

C'est à l'étude. Mais beaucoup de maires d'ailleurs ont déjà ... on le sait.

Mais c'est à l'étude, parce qu'on vous l'a dit ?

Mais dans la région ... oui bien sûr. C'est d'ailleurs commencé dans les lycées où on transfère les charges ...

On regardera cette information.

C'est commencé dans les collèges. Donc l'Etat commence à imaginer à renoncer à ses fonctions fondamentales, précisément parce que le gouvernement actuel a mal géré les choses. Il a menti sur la réalité des comptes publics et aujourd'hui, il continue à mentir, disons les choses comme elles sont, en nous racontant qu'il n'y aura aucun Plan de rigueur. Donc, soit ça veut dire que la Dette ...

Justement, si le constat est partagé, Ségolène Royal, de caisses qui sont vides, vous convenez donc qu'un Plan de rigueur est inéluctable ?

Mais d'abord, j'observe que c'est le gouvernement actuel aussi qui a vidé les caisses par le fameux paquet fiscal. Il a vidé ...

Elles n'étaient pas vides avant ?

Il a quand même jeté dans la nature 15 milliards d'euros de façon totalement inutile. Ces 15 milliards d'euros dépensés de façon totalement inutile auraient dû provoquer ce fameux choc de Croissance qu'on nous avait promis. Or, aujourd'hui, et maintenant le gouvernement l 'avoue (il le savait sans doute déjà il y a quelques mois), le taux de Croissance prévu n'est même pas celui sur lequel les prévisions budgétaires ont été fondées. Donc, le choc de croissance n'est pas là, les caisses ont été vidées, le paquet fiscal non seulement ne sert à rien mais creuse dramatiquement les inégalités puisque profite aux Français les plus aisés ; et ce n'est pas 15 milliards d'euros sur la totalité du quinquennat ... C'est 15 milliards d'euros par an, c'est-à-dire une centaine de milliards qui ont été dépensés inutilement et pas au bon endroit. Donc, si j'ose dire, il faut remettre la France à l'endroit et donner au pays une vraie politique économique.

Daniel Cohn Bendit, hier, à propos des Jeux Olympiques à Pékin, pour le dire dans le langage de mai 68, "Il faut aller à Pékin, il faut foutre le bordel à Pékin !". Je cite Daniel Cohn Bendit. Qu'est-ce qu'il faut faire ?

En tout cas, ce qui est insupportable, aujourd'hui, c'est quand même une forme d'inertie des démocraties. Angela Merkel a été assez courageuse de ce point de vue. Ca a été la plus courageuse puisqu'elle a remis en cause un certain nombre de négociations économiques. L'idée qui consisterait à boycotter la cérémonie d'ouverture et ensuite, à faire les Jeux comme si de rien n'était, me paraît, moi, particulièrement hypocrite parce que c'est vraiment "Silence, on tue" et "continuons comme si de rien n'était".

Est-ce qu'il faut boycotter l'ensemble des Jeux, alors, Ségolène Royal ?

Mais plus le temps passe, plus la menace de boycott est inefficace. Il fallait le faire tout de suite. Il fallait aussi demander des comptes au Comité International Olympique.

Plus le temps passe, plus la menace est inefficace, vous dites ?

Mais bien sûr.

Donc, il ne faut plus parler de boycott.

Mais si. Il faut quand même le faire. Mais je veux dire, ça fait quand même maintenant un certain temps que l'on voit les massacres, les bastonnades, en direct sur nos écrans de télévision ...

Qu'est-ce qu'il faut faire, alors ?

Je crois qu'il faut continuer à menacer de boycott les Jeux Olympiques mais il faut que plusieurs pays démocratiques le fassent en même temps.

François Hollande, dans Paris Match aujourd'hui, pour l'élection présidentielle, il y a plusieurs personnalités possibles au Parti Socialiste, "j'en fais partie, je ne l'exclus pas". Quelle est votre réaction, Ségolène Royal ?

Mais vous savez, Jean Michel Aphatie, je ne m'occupe pas de 2012. Vous savez, vous me l'avez dit ...

Il y en a d'autres qui s'en occupent. Ils ont tort ?

J'ai fait beaucoup, beaucoup de déplacements au cours de ces élections municipales. Vous savez, il y a dans le pays, une profonde inquiètude, une gravité, une exaspération, voire une colère ...

Ceux qui s'occupent de 2012 ont tort ?

et une véritable angoisse sur la baisse du niveau de vie.

Ceux qui s'occupent de 2012 au Parti Socialiste ont tort ?

Je n'ai rien d'autre à ajouter. Je ne m'occupe pas de 2012. Je m'occupe d'aujourd'hui.

Est-ce que vous vous occupez de l'état du Parti Socialiste ? Est-ce que vous avez envie d'en devenir la Première Secrétaire, Ségolène Royal

Nous verrons le moment venu.

C'est quand, le moment venu ?

Quand les candidatures seront ouvertes.

Et elles le seront ouvertes au mois de septembre, par exemple ?

Voilà. Il me semble.

Et c'est là que vous vous déciderez ?

Je verrai. Peut-être avant.

Vous y réfléchissez ?

Peut-être à ce moment-là. Je garde ma liberté d'initiative.

Vous y réfléchissez ?

J'y réfléchis, bien sûr. Ca va de soi, oui.

Qu'est-ce que vous avez pensé de Carla Bruni, à Londres ? Elle a séduit beaucoup de monde.

Je n'ai pas de commentaire à faire. Moi, je parle Politique. Ce qui m'a surpris, peut-être choquée.

Mais c'est de la Politique : la représentation de la France, c'est de la Politique ?

Oui, je crois qu'il faut que la France soit bien représentée. Mais vous ne trouverez jamais dans ma bouche le moindre propos qui dénigre la fonction. Et moi, je souhaite que le Président de la république soit à la hauteur de sa fonction, ce qui n'est pas encore tout à fait le cas.

Ce qui vous a choqué, alors en deux mots rapidement ?

C'est quand il parle de l'engagement de la France en Afghanistan devant les Parlementaires britanniques alors qu'il n'y a pas eu le moindre débat devant les Parlementaires français. Je ne suis pas favorable au renforcement de la présence française en Afghanistan, dans le contexte actuel où on ne connaît ni les risques d'enlisement, ni les garanties qui sont prises pour protéger nos soldats.

Ségolène Royal qui était l'invitée d'RTL ce matin. Bonne journée.

« La droite est en faillite idéologique »
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Ségolène Royal dans le Point.

"Une chose est sûre: à l'heure de la crise des « subprimes », des errements de la Société générale et du scandale de l'UIMM, c'est la droite qui est en faillite idéologique"estime Ségolène Royal.

"
Il est piquant de constater que ceux qui, hier encore, tapaient à bras raccourcis sur les insupportables ingérences de l'Etat, l'appellent aujourd'hui au secours et vont clamant que les marchés financiers ne peuvent se réguler tout seuls. J'ai comme l'impression que la lucidité et la modernité penchent aujourd'hui à gauche".

Ségolène Royal rappelle qu’"
il faut en finir avec les conformismes", et s'efforcer "de bâtir une vision du monde et

une proposition pour la France émancipées des schémas tout faits qui inhibent la pensée et l'action". Elle revendique tout à la fois l'héritage, dans la dernière période, de François Mitterrand, Michel Rocard, Jacques Delors et Pierre Mauroy.

A propos du congrès du PS prévu en novembre, Ségolène Royal estime que "
la question n'est pas de se confronter entre socialistes, ce serait même désastreux. C'est sans doute ce qu'attend la droite pour faire oublier ses échecs et ses promesses trompeuses (...) Le sens du sérieux et de la responsabilité s'impose. Il faut bâtir pierre après pierre une noubelle maison. Les fondations sont solides, j'en suis sûre".

Quant à former une majorité avec François Hollande au congrès, Ségolène Royal ne l'exclut pas : "
Avec François Hollande, nous avons eu quelques désaccords mais aussi pas mal d'accords politiques".

S'agissant du MoDem, elle défend toujours "
une attitude de main tendue à tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans la politique de la droite. Mais il ne peut s'agir d'un renversement d'alliance ni de tractations d'appareil"conclut-elle

Mardi 25 mars 2008

Le courage en politique

Elle l’a fait. Pour la première fois, un chef de gouvernement allemand s’est adressé à la Knesset, à Jérusalem. « La Shoah nous emplit de honte », « Allemands et Israéliens sont et seront toujours liés d'une manière particulière »… Angela Merkel, le 18 mars, a prononcé un discours historique. Ce qu’elle voulait, c’était faire preuve d’honnêteté, admettre les responsabilités de son peuple dans l’une des pires tragédies de l’Histoire et sceller officiellement la réconciliation entre les deux peuples. Un exemple de travail de mémoire digne, juste, ouvrant sur l’avenir…

Son courage politique, Angela Merkel en a encore donné la preuve en recevant le dalaï-lama, en septembre dernier. Elle s’était alors attiré les foudres de Pékin. Elle est prête, pourtant, à recommencer, en mai, quand le prix Nobel de la Paix se rendra en Europe, à Londres notamment, où Gordon Brown doit le recevoir. Seule dirigeante occidentale à brandir la menace des sanctions, elle a même prévenu Pékin qu’elle pourrait suspendre sa coopération avec la Chine si la crise tibétaine s’envenimait.

Oui, il faut maintenir la pression sur les autorités chinoises, coupables d’une répression intolérable. On ne peut pas se voiler la face, faire comme si de rien n’était, pendant que l’on tue impunément au Tibet. Je comprends les sportifs qui se sont entraînés durs, souvent toute une vie, pour participer aux Jeux Olympiques. Ils ne veulent pas que l’on mélange sport et politique. Mais l’Olympisme perdra son âme si les jeux se paient au prix de vies humaines, sacrifiées pour honorer les contrats publicitaires de grandes multinationales. Nous devons en finir avec l’hypocrisie. La menace d’un boycott des Jeux maintient toutes les hypothèses ouvertes : elle place les autorités chinoises devant leurs responsabilités.

Jusqu’à maintenant, Nicolas Sarkozy et le gouvernement de François Fillon ont fait preuve d’une indécision inqualifiable. On tergiverse : un jour la France y va, celui d’après on menace de boycotter la cérémonie d’ouverture. Bernard Kouchner, qu’on a connu plus loquace sur ces questions, a finalement admis, le 25 mars, que la répression chinoise était insupportable. Plus de quinze jours après le début des violences ! Là encore, on a connu le gouvernement plus réactif.

Jean Jaurès disait en 1890 : « Est respecté celui qui, volontairement, accomplit pour les autres les actes difficiles ou dangereux. » Nicolas Sarkozy, qui s’est plu, il y a quelques mois à citer le fondateur du socialisme français, pourrait non seulement relire ses « classiques », mais appliquer leurs principes au monde d’aujourd’hui.

* * *

De l’autre côté de l’Atlantique, où les primaires démocrates battent leur plein, un autre homme a su, lui aussi, faire preuve d’un courage politique qui pourrait changer le visage de l’Amérique. Dans son discours à Philadelphie sur les liens entre communautés, Barack Obama a analysé les lignes de fracture qui traversent la société américaine. Sans fard, sans hypocrisie, sans simplification. Aux Américains noirs, il a demandé de comprendre les classes moyennes blanches qui se battent pour travailler, qui ont peur de l’avenir et n’ont jamais reçu d’aide de personne pour garantir à leurs enfants une vie confortable. Aux Américains blancs, il a demandé de comprendre la colère et l’amertume des populations noires, encore aujourd’hui poursuivis par le racisme et les inégalités. Une belle leçon de sincérité et de vérité, un bel exemple à méditer…


Ségolène Royal

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